Les concepteurs d’espaces publics produisent une imagerie dominée par des représentations photoréalistes. Dans cette publication, les autrices examinent un autre choix délibéré d’heuristique représentative : le collage, et l’étudie dans l’utilisation qu’en font deux projets suisses : la place Perdtemps à Nyon et le MFO-Park à Neu-Oelikon. Elles révèlent ainsi cinq potentialités de cet outil pour la conception d’expaces publics.
Résumé :
L’imagerie produite par les conceptrices et concepteurs d’espaces publics est dominée aujourd’hui par des représentations photoréalistes. Toutefois, certaines agences choisissent de manière délibérée d’autres types d’images : des collages. Notre étude se fonde sur l’analyse de deux propositions de parcs développées en Suisse, en 2018 et en 1998, qui manifestent l’emploi du collage non pour des raisons esthétiques ou pratiques, mais parce qu’il engage une décision conceptuelle importante. Grâce à une plongée dans les archives des agences enrichie d’entretiens réalisés avec les conceptrices et concepteurs, notre exploration cherche à comprendre la genèse des collages, leur rôle dans l’élaboration du projet et leurs significations dans le projet lui-même et au-delà. Geste d’un faire et d’une pensée, outil d’une enquête, le collage fait apparaître l’imprévisible et convoque la fiction au cœur du projet. Il affirme l’inachevé et un devenir non encore déterminé. Outil de préfiguration, il permet d’explorer les possibles d’un futur incertain. Outil collectif aussi, le collage se fabrique à plusieurs mains dans les agences, convoquant les compétences non hiérarchisées des différentes personnes (architectes, paysagistes, cheffes et chefs de projets, stagiaires, dessinatrices et dessinateurs) et effaçant la notion d’auteur. Au-delà du travail en agence, il engage tout spectateur à se saisir de la fabrication et de l’appropriation de l’espace public, affirmant ainsi sa valeur démocratique. Le collage promeut une architecture (du paysage) qui cherche plutôt qu’une architecture (du paysage) qui sait. Il interroge la constitution des savoirs et invite à penser la conception des espaces publics comme des savoir-faire à haut potentiel.