"La France habitée"
Aucune source de données ne peut prétendre représenter le réel, le projet "La France Habitée" consiste à conjuguer deux types de données de sources différentes et de tirer parti du meilleur de deux mondes : les données d'enquêtes et les données mobiles complètes pour établir une cartographie temporellement précise et répondre à la question :
“Qui vit où ? Compter, localiser et observer les vrais habitants en France”
Période : 2012-2023
Équipe :
Jacques Lévy, professeur (H) EPFL, laboratoire puis rhizome indépendant de recherche Chôros, Chaire intelligence spatiale, UPHF (dir.)
Jean Coldefy, conseiller du PDG de Transdev, et directeur du programme Mobilité et Transitions, ATEC ITS France
Sébastien Piantoni, est ingénieur en cartographie et géomatique à l'université de Reims (Habiter-URCA) et chercheur à la chaire d'intelligence spatiale de l’UPHF
Julien François, est ingénieur en géomatique et en visualisation de données chez Transdev.
L'usage et la conjugaison de données de sources différentes permettent une vraie rupture dans la compréhension de l'usage des lieux et des mobilités. Les données d'enquête sont riches, mais limitées par la taille des échantillons et donc peu précises géographiquement (les matrices origine destination des meilleures enquêtes mobilité sont pleines de trous), et encore moins temporellement. Les données numériques, massives, peuvent être très représentatives, comme c'est le cas des données des réseaux GSM, assez précises géographiquement (zones IRIS) et avec une finesse temporelle à l'heure, voire 30 minutes. Avec le projet "La France Habitée" l’idée est de conjuguer ces données pour obtenir une cartographie temporelle d’une richesse inégalée.
Le premier travail de ce projet est publié sous la forme d’un article “Who Live Where?” disponible en preprint sur SocArxiv.
Il souligne les écarts existants entre résidents (le recensement) et occupation effective des lieux. Demain, Il s’agira d’enrichir ce travail pour mesurer l'impact réel du COVID sur l'occupation des lieux, pour mesurer les rythmes temporels, les Origines Destinations pour aboutir à redéfinir les aires d'attraction des villes en prenant en compte non seulement le travail mais le tourisme, les loisirs, la santé, le commerce, les études.
C’est un premier livrable d’une longue série d’analyses et d’études pour mieux décrire les territoires et les mobilités.
Discussion : Une révolution en marche
Les résultats présentés dans cet article ne constituent que la première phase d'un projet de recherche qui en comporte au moins cinq. L'approche de la mobilité, la construction d'une typologie d'unités spatiales, la redéfinition des zones urbaines pertinentes et l'exploration des rythmes (jour, semaine, année) sont encore en cours.
Une comparaison des situations pré et post pandémie, rendu possible grâce au traitement de deux ensembles de données distincts (2019-20 et 2022-3) permettra l'analyse d'un événement aussi massif et perturbateur.
Les futurs traitements du même ensemble de données tireront parti des tableaux de contingence qui fournissent des informations limitées comme utiles sur les profils personnels. Tous ces "chantiers" reposeront sur le même principe simple : nous pouvons savoir relier les gens et les lieux et explorer la richesse de ce que signifie être un habitant. Les premiers résultats suggèrent qu'il est temps de changer de paradigme.
La qualité des données fournies par les opérateurs téléphoniques peut certainement être encore améliorée pour atteindre le même niveau de fiabilité que les recensements. Les données disponibles permettent déjà un traitement approfondi, et ce serait encore plus vrai si un dialogue s'instaurait entre les opérateurs, les instituts de statistiques et les chercheurs.
Le principe même des recensements - compter les personnes à domicile comme une procuration suffisante pour donner une image raisonnablement précise d'un espace habité - mérite des enrichissements substantiels. Il est temps de découvrir comment et où les individus passent leurs journées, leurs mois et leurs années, tout en respectant évidemment leur vie privée.
L'utilisation de données complètes et de haute qualité pour explorer les réalités effectives de l'habitat n'est pas seulement un complément aux recensements classiques, mais elle pourrait (et devrait probablement) devenir une base solide pour tous ceux qui s'intéressent à la dimension spatiale du monde social.
Cette quête n'est plus une utopie, elle devient un horizon atteignable pour les instituts de statistique, les chercheurs et le public.